Faut qu'on parle

Le Dark Tourism, c’est quoi ?

pompéi ruines dark tourism
Le rapport entre Pompéi et le dark tourism ? La réponse est dans l’article.

On pourrait résumer le dark tourism par un ensemble d’activités touristiques ayant pour sujet quelque chose de badant.

Mais déjà, ce n’est pas une définition très scientifique et en plus, résumer le dark tourism en deux lignes serait vraiment dommage tant il s’agit d’un sujet aussi dérangeant que fascinant.

J’ai donc décidé de vous faire découvrir le côté obscur du tourisme en une série d’articles dont celui-ci sera l’introduction. En voyage.

 

Qu’est-ce qu’on veut dire par dark tourism ?

pompéi ruines dark tourism
C’est beau, mais ça reste des ruines.

Le terme a été inventé par Lennon et Foley, deux chercheurs, en 1996. Pourtant, la fascination pour le morbide date d’il y a longtemps. Les exécutions publiques et spectacles de gladiateurs sont considérés comme les ancêtres du dark tourism. Des moments sympas en famille à voir des gens se faire assassiner.

Ce qui est nouveau, c’est plutôt d’avoir accolé le terme de « tourisme », qui désigne quelque chose fait pour le plaisir, à « dark » qui sonne peu joyeux.

Il faut savoir que la mort n’est pas l’unique sujet du dark tourism. Depuis une trentaine d’années, on peut s’adonner librement à toutes sortes de vacances étranges. En fait, il est fort probable que vous soyez déjà adepte du dark tourism sans le savoir. Visiter Auschwitz, Pompéi ou même le cimetière du Père Lachaise, c’est du dark tourism. Il existe autant de sortes de dark tourism qu’il existe de gens pour les pratiquer.

Dans les prochains articles, nous reviendrons sur plusieurs sous-genres : tourisme de l’extrême, de survie, de pauvreté ou encore de simulation. Que de teasing.

Le dark tourism s’oppose donc au tourisme classique ayant pour vocation le plaisir, le confort ou la culture. Il n’est pas forcément illégal ni dangereux, et regroupe tout un tas de lieux n’ayant en commun qu’un mauvais souvenir.

Sauf qu’on en parle de plus en plus. Au point même de créer une série documentaire Netflix à ce sujet. En 8 épisodes, David Ferrier voyage pour découvrir ce que le monde a de plus sombre à offrir. Le journaliste parle de son expérience comme de « vacances étranges avant de reprendre une vie monotone ». Et c’est peut-être ça, la meilleure définition.

 

Pourquoi faire du dark tourism ?

dark tourism sky clouds
Dire qu’on pourrait visiter la Tour Eiffel comme tout le monde.

Au-delà de simplement exister, le dark tourism a du succès. La demande est si forte qu’il existe maintenant des agences de voyage spécialisées. Auschwitz, dont on parlera beaucoup dans cet article, c’est 1 million de visiteurs annuels. Récemment, c’est la ville de Pripiat près du réacteur de Tchernobyl qui a vu ses visites exploser (sans mauvais jeu de mot), grâce à la série HBO.

Les conséquences d’un tel essor ne sont pas forcément négatives. Le tourisme peut aider à reconstruire une ville détruite par une guerre ou une catastrophe naturelle. Certaines associations proposent des circuits touristiques dont les recettes servent (officiellement) à soutenir les victimes ou préserver le lieu. Le touriste voit alors sa soif de morbide excusée par son porte-monnaie.

Pourtant, les (bonnes) raisons ne manquent pas. Se recueillir quand on est un descendant des victimes. Côtoyer la mort pour se sentir vivant. Réfléchir à ce qu’on aurait fait à la place de la victime (ou du bourreau). Exercer un devoir de mémoire. Éduquer les plus jeunes. Exprimer son respect.

Certains ont des raisons plus discutables. Assouvir une obsession pour la mort. Être au plus près du drame. Se rassurer sur ses propres privilèges. Profiter d’une poussée d’adrénaline en mettant sa vie (ou celle des autres) en danger. Partager des images choquantes de son séjour. Sortir de la routine. Pouvoir dire « j’y suis allé ».

S’il y a une chose qui réunit les adeptes du dark tourism, c’est la curiosité. Mais c’est l’origine de celle-ci qui permet de comprendre s’il est possible ou non d’exercer un « voyeurisme éthique ».

 

Pourquoi ça peut gêner ?

dark tourism sombre nuit
Non ça va, c’est juste Paris ça.

Tu peux penser que finalement, le dark tourism c’est juste du tourisme. Un peu insolite, mais pas bien méchant. Tu as raison, dans certains cas. Seulement, cette pratique reste toujours largement critiquée.

La première réserve, et non des moindres, porte sur la sécurité. Les War Zones Tours proposent de visiter des zones de guerre en Irak, Somalie ou Soudan et certains touristes se sont déjà fait enlever, voire tuer. Plus dangereux que tes vacances aux Maldives.

À Tchernobyl, certains vont au-delà des zones autorisées et encadrées, défiant toutes les règles de sécurité pour quelques selfies.

Puisqu’on parle de selfies, le respect (ou plutôt l’absence de celui-ci) revient souvent lorsqu’on parle de dark tourism. Après le succès de la série HBO, le scénariste de “Tchernobyl” lui-même a demandé aux visiteurs d’arrêter de repousser les limites de la pudeur pour quelques poses sur Instagram.

On parle parfois de « voyageurisme », contraction de « voyage » et « voyeurisme », pour dénoncer la « disneylandisation » de sites liés à des catastrophes.

Le tourisme de masse rend quasiment impossible le recueillement à Auschwitz. La destination star du dark tourism a eu son lot de manque de tact : touriste nue dans une chambre à gaz, projets de boite de nuit, de centre commercial ou de défilé à l’intérieur du camp…. Entre deux visites guidées, certains se prennent en photo déguisés en déportés.

Le « slumming » désigne la découverte touristique de lieux pauvres. Il est possible de visiter les favelas comme on visiterait la Tour Eiffel. Si se rendre sur un lieu sensible n’est pas forcément critiquable, le voyeurisme l’est. Les pauvres restent pauvres après que les touristes aient rangé leur appareil photo.

L’excitation primaire ressentie devant un lieu de souffrance est également parfois jugée par les victimes elles-mêmes. Certains condamnent, d’autres considèrent le tourisme comme une chance de se reconstruire.

Mais quand on achète une statuette à l’effigie d’un juif du ghetto à Cracovie ou qu’on se met dans la peau d’un migrant mexicain pour le fun, reste-il encore de la place pour l’empathie ?

 

Pour conclure ce long article (qui n’est qu’une intro, je le rappelle), je pourrais dire que tout n’est qu’une question de motivation. Une destination éthique pour l’un ne le sera pas pour l’autre. La limite se trouve dans la raison qui pousse à faire la visite.

Personnellement, je distingue l’éducation du voyeurisme. S’imprégner d’une tragédie ne devrait pas être une raison suffisante pour risquer sa vie, ni pour manquer de respect à qui que ce soit.

Mais la limite du glauque varie selon chacun et la vision du dark tourism avec elle. Juger ce qui relève de l’éthique n’est pas une tâche simple mais c’est ce que je m’efforcerai de faire à travers cette série d’articles. Tu vas être gâté.

 

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10 commentaires

  • Joyful Dreams

    Hello !
    J’ai connu le terme Dark Tourism après avoir vu la série Netflix du même nom. Ça m’a beaucoup intrigué et j’ai vraiment été curieuse de voir ces lieux. J’aime beaucoup ce qui est insolite ! Cependant je ne sais pas si j’oserai franchir le pas. Je dirais dans la limige du raisonnable, oui. Peut-être pas dans un lieu extrême comme celui avec un peuple pauvre. Je trouve ça irrespectueux !
    Hate de voir tes prochains articles, ça promet d’être intéressant 🙂
    Bon week-end !
    • Mogo

      Hello !
      J’ai trouvé la série plutôt intrigante aussi, c’est un bon moyen de s’initier au sujet 🙂
      Le terme de ‘dark tourism’ rassemble tellement de lieux et d’activités différentes que je pense qu’on peut quasi tous trouver quelque chose d’intéressant ! Mais effectivement, je pense aussi qu’il est important de s’imposer une limite, même si elle ne sera pas la même pour tous !
      J’espère que la suite te plaira également !
      A bientôt 🙂
  • Salier

    Très intéressant sujet, et c’est terrible de voir que le tourisme de masse a aussi des effets néfastes sur de tels lieux !
    Hâte de lire la suite ..
  • Seiraz

    Hello , super article. Je pense que le Dark Tourism est une facon d’instruire les gens sur notre histoire, mais ce que je ne tolère absolument pas c’est le voyeurisme, le manque de respect vis a vis de ses lieux, de ses histoires et de ses victimes. Se mettre a poil dans une chambre à gaz, faut vraiment être “barge” dans sa tête. En tout cas, je connaissait ce type de tourisme, mais je ne connaissais pas le terme exacte. Merci pour ses infos 🙂

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