Faut qu'on parle

Dark tourism : le tourisme nucléaire

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Photo by Yves Alarie on Unsplash

Il y a quelques semaines, je te parlais du phénomène du dark tourism. Ensemble, nous avons survolé différentes notions pour finir par comprendre qu’il existe autant de types de dark tourism qu’il existe de personnes pour le pratiquer.

Aujourd’hui, j’aimerais attirer ton attention sur une forme particulière : le tourisme nucléaire. Quand on pense au nucléaire, on pense assez rapidement aux catastrophes. Et forcément, c’est ce qui m’intéresse aussi pour cet article : sans trauma, pas de dark tourism.

 

Moment Petit Larousse

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Photo by Yves Alarie on Unsplash

Le tourisme nucléaire est devenu assez récemment à la mode. En résumé, il s’agit d’un intérêt touristique pour l’atomique. Il passe par la visite de lieux ayant marqué l’histoire de l’énergie nucléaire.

Par exemple, il peut s’agir de lieux d’essais nucléaires (l’Atoll de Bikini). Mais on parle surtout des endroits témoins de catastrophes : bombardements (Hiroshima, Nagasaki) ou accidents (Tchernobyl, Fukushima). On parle aussi de tourisme nucléaire pour désigner la visite de musées spécialisés (Titan Missile Museum, Urêka).

Selon Wikipedia, notre prof à tous, on peut scinder le tourisme nucléaire en 3 pratiques : le tourisme industriel (visite de sites consacrés à l’industrie nucléaire, style carrières d’uranium), le tourisme de mémoire (lieux associés aux guerres et à leurs victimes) et enfin le tourisme noir, notre petit préféré.

Le tourisme sera donc noir s’il est provoqué par un traumatisme causé par l’utilisation de l’énergie nucléaire.

 

Dark tourism ou tourisme de mémoire ?

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Photo by Dan Meyers on Unsplash

Souvent, le dark tourism se justifie par le tourisme de mémoire. Toujours sur Wikipédia, celui-ci se définit par un intérêt pour l’histoire d’un lieu, surtout s’il est marqué par un évènement marquant fondateur, potentiellement douloureux.

Le tourisme de mémoire peut être encouragé par un État ayant subi une catastrophe : pour relancer l’économie ou soulager les familles des victimes. C’est le cas de Hiroshima. Le 6 août 1945 avait lieu la 1ère attaque nucléaire de l’histoire, faisant 90 000 victimes. 3 jours plus tard, la ville de Nagasaki connaissait le même sort.

Si ton prof d’histoire a bien bossé, tu en as entendu parler. Mais certains touristes considèrent qu’il est important de s’informer sur place. À Hiroshima, le Peace Memorial Park est un site classé qui accueille 1 million de visiteurs chaque année.

Le 6 août, locaux et étrangers s’y rassemblent pour la cérémonie Toro Nagashi qui célèbre la paix. Ils sont 50 000 personnes à déposer une lanterne dans la rivière pour la voir illuminer la nuit. Pas vraiment dark, comme dark tourism…

Pourtant, personne ne misait sur Hiroshima à la sortie de la guerre. Mais l’ancienne ville fantôme a su renaître de ses cendres pour déjouer tous les pronostics. La nature a refleuri dès l’été suivant l’attaque et elle est devenu un symbole de renaissance.

La visite de ces sites à Hiroshima et Nagasaki permet de tirer des leçons du passé, d’exprimer son respect aux victimes et de réfléchir sur nos façons de gérer les conflits (en théorie).

D’autres hauts lieux de la guerre peuvent être visités de manière un peu moins émouvante. Vous pouvez par exemple vous rendre sur les lieux des essais de l’arme nucléaire, histoire de prendre un bon bol de radiation. En 2015, un ancien site a été ouvert au public dans le désert australien. Sur place, on se permet un trait d’humour avec des signaux indiquant de « ne pas rester trop longtemps et d’éviter de creuser ».

D’ailleurs, puisqu’on en parle : c’est dangereux le tourisme nucléaire ?

 

Tchernobyl, Fukushima… Le spectacle nucléaire

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Photo by Yves Alarie on Unsplash

Rentrons dans le glauque du sujet. Le tourisme nucléaire est parfois aussi le théâtre du morbide. En 1986, Tchernobyl connait le pire accident nucléaire de l’histoire, l’explosion d’un réacteur à proximité de Pripiat.

11 millions de personnes souffrent encore des conséquences de l’exposition aux radiations : cancers, maladies du cœur, mutations génétiques, malformations… Pourtant, le tourisme connaît un immense succès. En 2017, 50 000 personnes ont visité Pripiat : c’est autant que la population évacuée en 1986.

Des agences proposent de découvrir la ville fantôme pour la modique somme de 100 dollars. Sur place, on peut acheter masques à gaz, combinaisons et t-shirts avec le symbole radioactif. Des souvenirs sympas à offrir au retour des vacances.

Les touristes en manque de sensations fortes se justifient par l’envie de « voir quelque chose de différent » et le ras-le-bol « des Ikea, Mango et Zara » habituels. De gentils visiteurs laissent traîner leurs déchets : c’est Tchernobyl, pourquoi ne pas polluer ? Certains vont jusqu’à voler des objets dans les maisons abandonnées pour les revendre sur Ebay.

Le gouvernement ukrainien fait tout pour rendre le radioactif sexy. Depuis 2011, les visites sont « garanties sans risque ». L’organisation de l’Euro en Pologne en 2012 a accéléré la sécurisation du site et en 2016, un dôme de confinement est installé pour protéger les visiteurs de la radioactivité.

Pourtant, le site est toujours interdit aux mineurs et aux femmes enceintes. Interdiction de se balader en t-shirt, fumer, manger, marcher sur l’herbe… Avant d’entrer, on signe une décharge de responsabilité. À la fin de la visite, on passe un contrôle de radioactivité qui, étrangement, semble toujours donner un bon résultat.

L’instinct de survie, tu connais ? Certains visiteurs de Tchernobyl n’en ont jamais entendu parler. Dès les années 90, des visiteurs illégaux se faufilaient pour pénétrer dans les zones interdites. Des guides sauvages se font aujourd’hui encore corrompre pour emmener des visiteurs intrépides dans les zones fermées au public.

Les experts peinent à se mettre d’accord sur l’absence de risque : certains pensent que 2 jours sur place sont dangereux, d’autres disent qu’il suffit de quelques heures. Mais le gouvernement ukrainien affirme qu’il n’y a aucun risque « tant qu’on ne boit pas l’eau du robinet » et que les cas de cancers ne concernent que les habitants évacués 30 ans plus tôt.

Même son de cloche du côté de Fukushima. Le 11 mars 2011, le séisme le plus puissant jamais enregistré au Japon frappe la côte et provoque un tsunami qui touche la centrale de Fukushima Daiichi. 3 réacteurs entrent en fusion : 100 000 personnes sont évacuées et la catastrophe fera plus de 15 000 morts.

Depuis, Fukushima est séparée en 3 zones : la zone verte se visite avec autorisation, la zone orange n’est ouverte qu’aux scientifiques et la zone rouge est totalement interdite. Pourtant, certains réussissent à passer les contrôles des zones les plus radioactives.

Comme pour Tchernobyl, le gouvernement tente de rassurer l’opinion publique sur les risques sanitaires afin d’attirer plus de touristes dans la région. En 2019, la plage de Kitaizumi, ancien spot célèbre de surf, a réouvert ses portes. Tepco, opérateur de la centrale, répète que les poissons de Fukushima ne comportent aucun risque… Ce que beaucoup de personnes ont du mal à croire.

 

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Photo by Yves Alarie on Unsplash

Pour finir, demandons-nous si le dark tourism, au-delà des problèmes sanitaires et éthiques qu’il soulève, n’aurait pas une fonction d’éducation sur les dangers du nucléaire. Face à Hiroshima, difficile de ne pas se sentir désolé de l’utilisation de l’atomique par l’homme. Concernant Tchernobyl, comment ne pas se poser la question du bienfait de l’utilisation du nucléaire quand on voit ses risques ?

Comme souvent lorsqu’on évoque le dark tourism, la question cruciale est celle de la motivation. Pourquoi suis-je là ? Qu’est-ce que je veux apprendre ? Qu’est-ce qu’on veut m’enseigner ? Est-ce que ma présence à Fukushima fait plus de bien au Japon ou à mon voyeurisme ?

Pour savoir si le dark tourism a une véritable fonction de sensibilisation, encore faut-il savoir ce que fera le touriste des informations qu’on lui donne.

 

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