Dark tourism : passion pour la (les) mort(s)
Faut-il encore présenter le dark tourism sur ce blog ? Nous avons déjà évoqué ce goût pour les destinations morbides, aux motivations aussi diverses que controversées. Cependant, si tu n’es pas familier avec le concept, je te conseille de jeter un œil aux articles précédents :
Maintenant que les présentations sont faites, il est temps d’aborder une nouvelle forme de dark tourism. Celle qui côtoie la mort au plus près, quitte à frôler du bout des doigts les cadavres. Aujourd’hui, on parle de rendre visite aux morts.
La taphophilie : le kiff des cimetières
Certains aiment se balader au parc le dimanche après-midi avec mamie. D’autres préfèrent se balader entre les tombes. La taphophilie désigne la passion pour les cimetières.
Si on les trouve rarement dans les guides touristiques, ils témoignent souvent mieux que personne de l’histoire d’un pays. Au-delà de l’aspect religieux, les cimetières ont une fonction culturelle. Ils font partie du patrimoine matériel et immatériel du monde entier.
En Europe, il existe un itinéraire pour suivre la route des plus beaux cimetières. Bien que ces lieux soient souvent tabous, ils rappellent le caractère éphémère de la vie. Et parfois, ce sont juste de jolis cimetières.
À Buenos Aires, le cimetière de Recoleta est mondialement connu pour accueillir la tombe d’Eva Peron, épouse d’un président argentin. À Vienne, capitale autoproclamée du dark tourism, on peut découvrir des catacombes avec de véritables momies. Le cimetière de Bendigo, en Australie, organise des visites d’Halloween pour faire frissonner les vivants.
Difficile de ne pas parler des experts de la mort : les mexicains. Le monde entier connaît, et parfois célèbre, El Dia de los Muertos. Lors d’une journée, les cimetières du Mexique se transforment en pistes de danse pour célébrer ce qui n’est pas perçu comme une fin mais plutôt le début d’un beau voyage.
La France n’est pas en reste. Ceux qui sont passés par Paris l’ont peut-être déjà croisé : le célèbre Père Lachaise. Le cimetière le plus visité au monde accueille les tombes de Jim Morrison, Édith Piaf, Honoré de Balzac et bien plus encore. Le Père Lachaise assume son côté touristique, entre visites guidées et commémorations plus classiques.
Les cimetières sont des lieux d’héritage riches en histoire, en spiritualité, en tradition. Ils aident à comprendre les coutumes du pays visité. Ils invitent au calme, à la sérénité. Ce sont parfois de vrais musées à ciel ouvert, tant leur architecture peut être recherchée. Et parfois, ils deviennent des parcs d’attraction (c’est pour le quota d’exemples éthiquement limites).
Rendre (un peu trop) hommage à ses idoles
Les morts intéressent beaucoup, les morts célèbres encore plus. Puisqu’on parle dans des parcs d’attractions, évoquons le National Enquirer Live, baptisé d’après le célèbre journal people et qui propose de revivre la mort de Lady Diana. La course poursuite la plus tragique de l’histoire est accessible en 3D.
Il est également possible de revivre la mort du président Kennedy. À Dallas, de nombreux tours existent : actrice grimée en Jackie Kennedy pour vous accompagner, réalité virtuelle, balade en voiture suivant l’itinéraire exacte du Président ou reconstitution à l’endroit où l’assassin a tiré… Il y en a pour tout le monde, surtout les plus voyeurs.
L’emplacement où Kennedy a trouvé la mort en 1963 est marqué d’une croix blanche, place du Dealy Plaza, et attire beaucoup de visiteurs. Pourtant, la ville de Dallas a du mal à assumer cet héritage. Le Sixth Floor Museum, d’où Lee Harvey a tiré, est longtemps resté un immeuble abandonné. Il n’a ouvert ses portes que 25 ans plus tard, devenant le 2ème endroit le plus touristique du Texas.
Les lieux d’assassinat de célébrités deviennent souvent des pèlerinages pour assouvir sa curiosité et/ou de rendre hommage. Pour Lady Diana, la Flamme de la Liberté s’est érigée en symbole près du Pont de l’Alma. Après sa mort en 1997, la sculpture est devenue un lieu de recueillement alors qu’elle existait bien avant l’accident. Aujourd’hui, l’office de tourisme de Paris la présente comme « stèle commémorative à la princesse Diana ».
Des œuvres culturelles peuvent aussi lancer une vague de hype pour les lieux morbides. C’est le cas du dernier film de Quentin Tarantino, Once Upon a Time in Hollywood, qui a provoqué la venue de curieux devant l’ancienne maison de Sharon Tate, lieu de son assassinat en 1969.
Les États-Unis sont les experts de la Murderabilia, soit la collection d’objets ayant appartenu à des tueurs. Les cheveux de Charles Manson ou l’autoportrait de John Wayne Gacy se vendent allégrement sur des sites spécialisés. Un moyen d’entrer dans le cerveau de serial killers qui fascinent beaucoup. Les États-Unis étant le pays avec le plus de tueurs en série, le secteur est florissant.
En 2021, les armes des célèbres criminels Bonnie & Clyde ont été vendues aux enchères pour un demi-million de dollars. Joli cadeau de Noël pour un passionné de meurtres.
Alors oui, la mort est une passion assez peu commune. Aimer une célébrité (décédée, qui plus est) au point de considérer l’endroit où elle est morte comme un lieu de pèlerinage peut sembler quelque peu excessif.
Mais ce dark tourism a l’avantage de ne pas déranger qui que ce soit. Les morts étant souvent assez peu gênés par l’agitation (vu qu’ils sont… morts), ce tourisme est plus respectueux que bien d’autres pratiques – je te renvoie à l’introduction.
Le petit bémol éthique repose sans doute sur le respect des héritiers (voire des victimes, quand on parle de meurtriers). La famille Kennedy ne voit sans doute pas d’un bon œil le business juteux qui se fait sur le dos de leur ancêtre. Les familles des victimes de la secte de Charles Manson auraient peut-être du mal à accepter qu’il soit considéré comme une star.
Et puis bon, personne n’a envie d’avoir un voisin qui collectionne les objets ayant appartenu à des serial killers. Mais c’est un autre débat.