Faut qu'on parle

Dark tourism : le tourisme de catastrophe

Bah alors, ça fait longtemps qu’on n’a pas parlé de dark tourism ici. Nous avons déjà évoqué les catastrophes nucléaires, parlons maintenant des catastrophes naturelles.

Une catastrophe naturelle est un évènement d’origine naturelle qui provoque des bouleversements pouvant engendrer de gros dégâts matériels et humains. Et comme chaque lieu témoin d’un désastre, il y a des gens pour le visiter.

Aujourd’hui, nous découvrons un nouveau dark tourism. Celui des séismes, des éruptions volcaniques, des tsunamis, des tempêtes… Bref, le tourisme de catastrophe.

 

Le tourisme souffre-t-il des catastrophes naturelles ?

 

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Lombok © Photo by yonatan anugerah on Unsplash

Face aux catastrophes naturelles, nous ne sommes pas tous égaux. Et s’il y a bien une région qui prend cher, c’est l’Asie du Sud-Est. L’Indonésie, par exemple, se trouve sur la ceinture de feu, une zone de convergence de plaques tectoniques, très touchée par les tremblements de terre.

En 2018, des tremblements de terre ont touché Lombok, à proximité de Bali, faisant plus de 500 morts et provoquant la fuite de nombreux touristes. Le problème, c’est que 12 millions d’emplois dépendent du tourisme en Indonésie. Malgré sa forte activité sismique et volcanique, le pays est assez mal préparé aux catastrophes naturelles.

Prenons un autre exemple dans la région. En 2004 un tsunami tristement célèbre frappe l’Océan Indien et fait 220 000 morts. L’incident est très médiatisé, notamment car de nombreuses victimes sont occidentales (oui, le sort d’un européen intéresse malheureusement plus que celui d’un local).

Parmi les territoires les plus touchés, on trouve la Thaïlande : un des pays les plus visités au monde. Après le tsunami, les réservations d’hôtels chutent de 90%. Mais peu à peu, le taux d’occupation revient à la normale et aujourd’hui, le tourisme représente la 2ème plus grande source de revenus du pays.

Souvent, le tourisme chute après une catastrophe, mais seulement pour une courte durée. La couverture médiatique pourrait avoir un impact positif sur le long terme. En clair, les reportages sur le tsunami ont pu donner envie de visiter la Thaïlande. L’empathie et l’admiration pour la population peuvent encourager à découvrir une nouvelle région.

Les catastrophes naturelles sont loin d’être les premières raisons d’éviter une destination. Les troubles civils, les épidémies ou le terrorisme rendent les voyageurs beaucoup plus frileux. En général, il suffit de laisser passer 3 mois après la catastrophe pour que la peur disparaisse. Et plus une catastrophe est grande, plus le pays peut mettre en œuvre des stratégies pour relancer l’économie.

Comme par exemple : inviter les touristes à constater les dégâts.

 

Le tourisme profite-il des catastrophes naturelles ?

 

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Nouvelle-Orléans © Photo by Naveen Venkatesan on Unsplash

Qui dit tragédie dit tourisme. Les raisons de visiter ces lieux sont diverses : lien avec les victimes, intérêt culturel, envie d’apporter son aide ou voyeurisme… Tout le monde peut y trouver son compte, ou presque.

Quand il y a un accident sur la route, les voitures ralentissent pour mieux voir. Le dark tourism, c’est pareil. Quand un pays est frappé par une catastrophe naturelle, des agences spécialisées, comme Disaster Tourism au Royaume-Uni, pour emmener les visiteurs découvrir les restes d’éruptions volcaniques, de feux de brousse ou de tornades.

Prenons l’exemple de la Nouvelle-Orléans aux États-Unis. En 2005, l’ouragan Katrina frappe la ville et fait plus de 1500 morts. 80% de la Nouvelle-Orléans est inondée, 20 000 maisons sont détruites, on compte les dégâts matériels en milliards de dollars.

En 2016, les chiffres du tourisme dépassent ceux de la période pré-ouragan. Des Katrina Tours proposent de visiter les quartiers les plus endommagés en 3h30, pour une cinquantaine d’euros. Ces visites ont débuté un mois après la tragédie et en 2007, 70% des touristes étaient déjà de retour.

En Indonésie (oui, encore), l’explosion d’une conduite souterraine provoque un volcan de boue qui engloutit en 2006 des villages entiers sur l’Île de Java. Au total, 40 000 indonésiens se retrouvent sans maison et/ou travail. En 2010, le Président décide de relancer le tourisme grâce à des visites des zones sinistrées, restes du drame ayant coûté la vie à une vingtaine de personnes.

D’autres exemples peuvent être cités, comme la très célèbre éruption du Vésuve à Pompéi en l’an 79. La ville a totalement été ensevelie (et ses 20 000 habitants avec) et les cendres ont conservé les cadavres. Tant mieux pour la région, devenue très touristique.

Citons aussi l’expérience de Mark Zuckerberg en 2017, qui propose un live en VR pour présenter l’application Facebook Spaces. Au programme : une visite des zones dévastées par l’ouragan Maria ayant fait 4600 morts en République Dominicaine. Ce partenariat avec la Croix Rouge a été moyennement apprécié et le big boss d’internet a fini par s’excuser.

Comme toujours, les adeptes justifient leur intérêt par une soif d’originalité, d’adrénaline ou d’authenticité. D’autres motivations plus nobles sont la sensibilisation ou le soutien économique à la zone fragilisée. Ces expériences sont rendues possibles par une exposition constante à la tragédie, notamment grâce aux médias qui relatent ces catastrophes.

Mais quelles en sont les véritables conséquences, en particulier pour les victimes ?

 

Le tourisme de catastrophe : les pour et les contre

 

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Thaïlande © Photo by Robin Noguier on Unsplash

Après une catastrophe naturelle, l’urgence sanitaire peut mener à une forme de tourisme humanitaire. On distingue bien sûr les volontaires qui viennent aider les secours des touristes en vacances.

En 2019, l’ouragan Dorian frappe les Bahamas, faisant des centaines de morts et 7 milliards de dollars de dégâts. Pour aider la région, Airbnb fait gagner 2 mois d’expériences aux touristes acceptant de participer à des missions locales. Mais le tourisme peut avoir des effets pervers, comme celui de freiner l’action des secours. Il peut aussi limiter l’accès aux ressources pour les populations locales.

La relance économique de la Nouvelle-Orléans s’est faite avec l’ouverture de 200 nouveaux restaurants. Aujourd’hui, les dégâts de Katrina sont encore visibles, mais la population s’est transformée. La création d’entreprises créé l’embourgeoisement qui creuse les inégalités. Le résultat : les plus pauvres, majoritairement noirs, ont été forcé de migrer vers les banlieues.

L’autre souci, tu t’en doutes, c’est le manque de respect vis-à-vis des victimes. Photos de familles en deuil, selfies devant des ruines, remarques inappropriées… Sans parler de l’argent fait par de nombreuses entreprises « grâce » au drame.

Au final, peut-être que l’empathie fait la différence. Une empathie qui dépend du temps écoulé depuis la catastrophe, mais aussi de l’angle choisi pour exposer le lieu du drame, plutôt éducatif ou sensationnel. Peut-être qu’elle dépend aussi de la place faite aux victimes, traitées comme des bêtes de foires ou avec respect.

 

Comme tous les types de dark tourism, il n’y a pas de règles de conduite. Le bon sens veut que chaque lieu soit visité avec respect, que chaque victime soit prise en compte et que la sensibilisation et l’éducation priment sur le profit.

En ce qui concerne le tourisme des catastrophes naturelles, le mieux est peut-être d’attendre un peu pour laisser le temps aux secours d’aider ceux qui en ont besoin. Une bonne idée serait peut-être aussi de laisser le temps à ceux qui le doivent de faire leur deuil.

Sinon, il n’est pas question d’histoire, mais plutôt de voyeurisme.

 

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