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Le tourisme de masse : décryptage

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© Elizeu Dias

La crise sanitaire a fait ressurgir un débat dans l’industrie du voyage : celui du tourisme de masse. Ce phénomène, loin d’être nouveau, provoque toujours plus de questionnements.

C’est quoi, le tourisme de masse ? Quelles sont ses causes, ses conséquences et les solutions pour y échapper ? Réponses dans cet article.

 

L’apparition du tourisme de masse 

 

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© Michele Feola

Dans les années 1960, les congés payés ouvrent des opportunités de voyage à une grande partie de la population. Le pouvoir d’achat augmente, les coûts baissent et les activités touristiques deviennent plus accessibles.

Dans les années 2000, on entre dans l’ère du low-cost. On se concentre sur la croissance, sans se soucier de l’impact sur les territoires. On parle de marketing de destination : certains lieux sont à la mode, même s’ils ne possèdent pas les infrastructures suffisantes pour accueillir tous les touristes. 

Le tourisme de masse (ou surtourisme) désigne toutes les conséquences négatives de la surpopulation touristique. Ce phénomène impacte la qualité de vie des populations, les ressources naturelles du territoire, la faune locale et même l’expérience des visiteurs. 

 

Le tourisme de masse moderne

 

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© Ben White

Qui est responsable du tourisme de masse ? Des plateformes comme Airbnb sont accusées de saturer les quartiers et d’expulser les habitants à cause de l’augmentation des loyers.

Les réseaux sociaux, notamment Instagram, sont vus comme la cause de la standardisation du voyage. Des œuvres audiovisuelles peuvent aussi causer des pics touristiques. Cela a par exemple été le cas pour la Croatie, lieu de tournage de Game of Thrones.

Mais s’il ne s’agissait que de symptômes et pas des réelles causes du surtourisme ? Quid de l’absence de taxe sur le carburant d’avion ou de navires de croisière, permettant de multiplier les expériences touristiques à bas coût ?

 

L’économie du tourisme

 

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© Nick Fewings

Depuis la crise financière de 2008, le tourisme a acquis un rôle majeur dans l’économie mondiale. On estime à presque 2 milliards le nombre de touristes en 2030. L’industrie représente 10% du PIB mondial. Les recettes générées ne cessent d’augmenter, arrivant à 1500 milliards de dollars en 2018.

Pourtant, le tourisme est loin d’être ouvert à tous. Seulement 5 à 10% de la population mondiale peut se permettre de voyager. Le plus gros des émissions de CO2 émises par le tourisme vient du Nord. Selon l’OMT, 95% des personnes qui voyagent le font dans seulement 5% de la planète.

 

L’impact écologique du tourisme de masse

 

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© Josiah Weiss

Oui, le tourisme pollue. Beaucoup. Le secteur cause 8% des émissions de gaz à effet de serre, notamment à cause des transports, comme l’avion ou les bateaux de croisière. 

Le tourisme produit beaucoup de déchets. 52% des détritus dans la Méditerranée sont liés au tourisme balnéaire. En 2018, les équipes de nettoyage de l’Everest ont descendu 31 tonnes de déchets, dont un tiers composé d’excréments humains.

Le tourisme gaspille, aussi. En moyenne, dans les régions tropicales, 100 litres d’eau sont consommés par jour pour un touriste. Un habitant n’en consomme que 27 litres par jour.

Enfin, le tourisme tue. Aux Bahamas, des touristes nourrissent des cochons sur les plages, les poussant à ingérer trop de sable. Ils leur font aussi boire de l’alcool. Le tourisme est responsable du trafic d’animaux sauvages (pour fabriquer des souvenirs), de la maltraitance et de la destruction de leur habitat naturel.

 

Gentrification et perte d’authenticité

 

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© JOHN TOWNER

Le surtourisme fait augmenter le prix des loyers et pousse les habitants à déserter le centre-ville. À Venise, la population locale a été réduite de moitié en seulement 30 ans.

Pour plaire aux visiteurs, les pays s’adaptent, en créant des expériences pour les touristes. C’est ainsi qu’on voit naître des faux rituels traditionnels. Cette authenticité mise en scène répond à la demande d’un exotisme qui ne perturbe pas les habitudes occidentales.

Le surtourisme met à mal les artisans. À Paris, les artistes de Montmartre regrettent de voir fleurir des galeries bon marché aux peintures provenant de Chine et menaçant leur activité.

Le tourisme de masse dégrade l’expérience touristique. La surfréquentation de sites comme l’Everest provoque même des décès. En 2019, on a atteint le record de 200 grimpeurs en même temps, créant un encombrement dangereux.

 

Le Machu Picchu : victime de son succès

 

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© Willian Justen de Vasconcellos

Le Machu Picchu est un exemple de ce que le tourisme de masse peut faire de pire. Au Pérou, il accueille chaque jour des milliers de visiteurs, plus que la limite de 2500 personnes imposée par l’UNESCO en 2011.

Depuis 10 ans, l’UNESCO menace de placer le site sur la liste du patrimoine en danger. L’ancien village inca est menacé d’érosion, de glissements de terrain et de déforestation. Un aéroport prévu pour 2024 à quelques kilomètres de là pourrait aggraver la situation.

 

Venise en péril ?

 

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© Dan Novac

Le tourisme de masse a vidé Venise de ses habitants. Actuellement, on compte en moyenne 1 habitant pour 550 touristes

La ville accueille 30 millions de visiteurs annuels, ce qui abîme dangereusement ses fondations. Les remous des bateaux de croisière causent des dommages aux structures. Depuis 2016, leur lieu d’amarrage a été déplacé hors du centre.

Depuis 2020, les touristes doivent payer un droit d’entrée de 3 à 10 € selon la saison. L’argent aide à financer le nettoyage du centre historique. La ville limite également le nombre de nouvelles chambres d’hôtel.

 

La tourismophobie, c’est quoi ?

 

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© Mark de Jong

En Europe, on voit naître un mouvement anti-touristes. 20% des habitants de Venise ou d’Amsterdam se déclarent hostiles au tourisme. En Espagne, des manifestations sont organisées avec des pancartes “tourist go home”.

On reproche aux visiteurs leur manque de respect. En 2017, un touriste a gravé son nom sur les pierres du Colisée à Rome. Des graffitis sont faits sur la Grande Muraille de Chine ou sur le temple d’Angkor Wat au Cambodge. À Paris, les habitants de la rue Crémieux interdisent de prendre des photos devant les façades colorées de leurs maisons.

Beaucoup plus grave, certains pays sont prisés par ceux qui pratiquent le tourisme sexuel, impliquant des mineurs. En Amérique Latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Europe de l’Est, certains visiteurs choisissent leurs destinations en fonction de l’offre sexuelle locale.

 

Les mesures contre le tourisme de masse

 

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© Humphrey Muleba

Les gouvernements prennent des mesures pour limiter le nombre de touristes. A Dubrovnik en Croatie, le maire a imposé un quota de 8000 touristes par jour dans le centre historique. En Islande, les visiteurs doivent prêter serment devant une charte pour la protection des sites naturels. 

Parfois, le plus simple est de fermer l’accès au public. C’est ce qu’a fait la France avec la grotte de Lascaux. Depuis 1983, on peut visiter une reproduction du site. 

L’Indonésie a fermé l’île de Komodo pour lutter contre le trafic du Dragon de Komodo, vendu à 35 000 $ sur le marché noir. En Thaïlande, la plage de Maya Bay est fermée depuis 2018. Décor du film “La Plage”, elle accueillait 5000 visiteurs par jour. Ce tourisme excessif a provoqué une érosion sévère et une dégradation des coraux. 

 

Amsterdam : un ras-le-bol local

 

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© Javier M.

À Amsterdam, les européens profitent de la politique de tolérance sur la consommation de cannabis pour visiter la capitale. D’après une étude, 57% des touristes y vont pour cette raison. En moyenne, la ville compte 20 fois plus de touristes que d’habitants.

La ville attire beaucoup de fêtards irrespectueux et les habitants ne se sentent plus chez eux. La municipalité a décidé de bannir Airbnb de certains quartiers. Les taxes de séjour ont augmenté et les guides n’ont plus le droit d’organiser des visites dans le quartier rouge.

Une autre mesure plus radicale : interdire les coffeshops aux étrangers. La capitale espère ainsi attirer une nouvelle cible, plus intéressée par son patrimoine culturel.

 

Le tourisme de masse post-COVID ?

 

Le Conseil mondial du voyage et du tourisme a tenu un sommet en avril 2021 pour discuter de l’avenir du secteur. Les experts estiment que le tourisme ne sera plus le même après la crise sanitaire.

Les voyageurs se dirigeront vers les petites villes pour éviter les foules. Le tourisme de demain sera-t-il plus respectueux des communautés locales et de l’environnement ? On parle de plus en plus de tourisme vert et de slow travel. Reste à savoir s’il s’agit d’un changement sur le long terme.

 

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