Quand le voyage rend triste
Quand on voyage, c’est souvent pour passer un bon moment. Pourtant, il arrive que ce joli rêve devienne un cauchemar. Dans certaines situations, le voyage peut rendre triste. Embarquement immédiat pour le sapage de moral.
Le mal du pays
Jusqu’au 20ème siècle, le mal du pays était traité médicalement. On prenait très au sérieux les soldats qui, loin de leur patrie, allaient jusqu’à ne plus être capable de se nourrir. En 1688, le philosophe Watt Smith parle d’une pandémie de « nostalgie ». Le terme désigne alors le puissant désir de revenir dans son pays.
De nos jours, on est beaucoup plus habitué au voyage. Pourtant, une étude de 2011 pointe le stress, l’anxiété et la dépression provoqués par l’expatriation (le fait de partir à l’étranger pour une longue durée dans le cadre du travail, ses études ou juste pour changer de vie).
L’expatrié quitte tout pour une nouvelle vie dans un pays avec lequel il ne partage peut-être ni langue ni culture. Il devient l’étranger. Il se concentre sur le passé et oublie de profiter du présent. Il finit par aller mal dans une situation enviable, en voyage.
Il est donc naturel de ressentir de la culpabilité. On se dit qu’on n’a pas de raison de se plaindre, qu’on devrait être heureux d’être là, qu’on est fragile ou immature. Cette culpabilité, mêlée à l’incompréhension des proches, accentue la tristesse.
On part du principe que le voyage, c’est le bonheur. Mais c’est aussi l’isolement, la perte de repères, l’adaptation constante. Partir seul peut aussi compliquer les choses. On est triste donc on ne va pas vers les autres, on ne fait pas de rencontre quand on est triste.
Souvent, le mal du pays n’est pas constant, il vient frapper les nuits de solitude et disparaît une fois le soleil levé. Mais des solutions existent pour lutter contre cette nostalgie (et je ne parle pas de mater TV5 Monde toute la journée).
Déjà, si on a une date de retour, on peut s’accrocher à la perspective de retrouver bientôt nos habitudes. Si ce n’est pas le cas ou si elle est trop lointaine, il ne faut pas avoir honte de son mal-être. Garder contact avec ses proches peut aider, comme penser aux raisons pour lesquelles on est parti (réaliser un rêve, découvrir une nouvelle culture…).
Si notre entourage ne prend pas au sérieux notre peine, l’idéal est de trouver quelqu’un dans la même situation : un expat, potentiellement de la même nationalité (pour retrouver ses repères). Souvent, on se rend vite compte que beaucoup d’autres personnes vivent la même chose.
Si le mal-être est trop grand, rien ne sert de se faire du mal : il faudra écourter le voyage. Ce n’était peut-être pas le bon moment ou la bonne destination. Quoi qu’il en soit, le voyageur a déjà franchi un grand pas : partir. Et ça, c’est une chose dont tout le monde peut être fier.
Le blues du retour
Il arrive que le retour soit tout aussi difficile. On appelle ça le syndrome post-vacances. Un choc culturel inversé dû à la réadaptation au pays d’origine. Chaque fin de voyage est le deuil des expériences et sensations vécues pendant celui-ci.
Un tiers des 25-40 ans affirment avoir ressenti ce syndrome post-vacances. De la perte d’appétit aux sautes d’humeur, ce retour à la réalité peut être brutal. Un fonctionnaire sur deux ne s’estime pas reposé après ses vacances. Le retour est perçu comme une menace qui gâche la fin du séjour. Le meilleur moment est souvent celui qui précède le départ.
Le plaisir des vacances est douloureusement éphémère. 21 jours, c’est le temps nécessaire à la mise en place de nouvelles habitudes. C’est pourquoi les longs voyages représentent plus de risques. Ça signifie aussi que le blues du retour ne devrait pas durer plus de 3 semaines.
Ici encore, les expats sont les plus touchés. Le retour se fait en plusieurs étapes. D’abord, la préparation : on s’imagine des retrouvailles pleines d’émotions, on a peur de partir mais aussi très envie de rentrer. Après l’euphorie des premiers jours (on retrouve ses proches et où on est au centre de l’attention), la routine vient frapper.
Le pays natal qui manquait tant devient fade. Le voyageur se retrouve pris au piège, le cul entre deux cultures. Il glorifie ses souvenirs et ne comprend pas que son entourage ne soit pas aussi enthousiaste qu’il l’espérait face à son récit. Breaking news : les gens ont continué à vivre sans lui.
Vient alors le sentiment de décalage. On est perdu face à tout ce qu’on a manqué pendant notre absence. On compare deux vies qui n’ont plus rien à voir : celle qu’on a vécu là-bas, celle qu’on a ici. L’intensité, la découverte et la liberté face à la routine, l’ennui et les contraintes.
Comment s’en sortir ? Déjà, en évitant de trop attendre du retour. À l’autre bout du monde, on a tendance à idéaliser les retrouvailles. Rien ne sert de chercher à changer les gens : si ton pote ne comprend pas l’intérêt de voyager, tes photos ne le feront changer d’avis.
Le voyage peut véritablement changer. Si on a tant de mal à reprendre le travail à notre retour, c’est peut-être parce que ce travail n’est plus fait pour nous. Et s’il est dur de rentrer, c’est peut-être car il est déjà temps de repartir. Parfois, le voyage peut avoir lieu à la maison. Il est temps de redécouvrir son quartier avec le regard d’un voyageur. Celui qu’on avait quand on était là-bas.
En voyage, on aimerait être à la maison. A la maison, on préférerait être en voyage. Le risque de tristesse est toujours présent, quelle que soit la situation. Ça peut sembler déprimant mais ça veut surtout dire que ces sensations sont fréquentes et surtout : elles sont normales. Rien ne sert d’avoir honte, ni de se sentir coupable de se sentir mal. Le voyage reste une chance et ces émotions négatives ne suffisent pas à annuler tout le positif.