Voyage et écologie : une relation compliquée
Avec un milliard de voyageurs annuels dans le monde, le tourisme est l’un des plus grands pollueurs. Le surtourisme, notamment, provoque la saturation de certains sites touristiques et une nuée de comportements très peu respectueux de l’environnement.
Mais avec une prise de conscience collective des enjeux écologiques, le secteur du tourisme doit s’adapter pour proposer une offre plus écoresponsable.
Aujourd’hui, nous discutons de la relation compliquée entre voyage et écologie.
Quels sont les effets du tourisme sur l’environnement ?
Le tourisme est responsable de 5% des émissions de gaz à effet de serre, notamment dues aux transports. En effet, l’industrie touristique représente 60% du trafic aérien mondial et on estime que d’ici 2050, ces émissions auront augmenté de 131%.
Le tourisme détruit les écosystèmes avec la bétonisation ou la déforestation pour créer des infrastructures. Il produit massivement des déchets dont certaines substances chimiques déversées dans l’eau (comme les crèmes solaires, par exemple).
Il entraine la surexploitation des ressources naturelles en augmentant nos besoins d’énergie. L’eau des piscines d’hôtels, les machines de draps quotidiennes, la nourriture gaspillée… Le tourisme pollue l’eau, les sols et l’air.
Une étude de l’ONG T&E montre que dans les villes touristiques européennes, l’air est si pollué qu’on peut le comparer à une forme de tabagisme passif. Pour un séjour de 4 jours, on respire l’équivalent de 2 à 4 cigarettes à Paris, Londres, Prague ou Istanbul. La pollution est accélérée en zone urbaine à cause du dioxyde d’azote rejeté par les voitures.
Tourisme de croisière et pollution maritime
En 2018, on comptait 28 millions de touristes en croisière. Pour certaines destinations, ce tourisme est une source importante de revenus, mais cause de lourds dégâts.
On trouve sur les bateaux de croisière des piscines, minigolfs, patinoires, restaurants ou bars. Les moteurs ne sont jamais coupés, même à l’arrêt, afin d’alimenter ces services. Pendant une escale, un paquebot de croisière pollue autant qu’un million de voitures d’après une étude France Nature Environnement.
La Méditerranée représente un tiers du trafic maritime mondial et fait partie des bassins les plus pollués. Les bateaux de croisière produisent 7000 tonnes de déchets par an, parfois directement rejetés dans l’eau. Tous les ans, 8 millions de tonnes de déchets plastique se retrouvent dans l’océan. En 2050, on prévoit plus de plastique dans la mer que de poissons.
Et le pétrole ? Pour naviguer, les bateaux de croisière utilisent du fioul lourd, du pétrole quasiment brut non taxé. Il y a 370 millions de tonnes de pétrole qui circulent en Méditerranée chaque année, ce qui représente 20% du total mondial. Au total, 100 000 à 150 000 tonnes de pétrole sont déversées annuellement dans la mer à cause des transports.
La menace du tourisme pour la biodiversité
La biodiversité est également extrêmement menacée par l’activité touristique, notamment car les zones les plus sensibles sont aussi les plus populaires.
La popularisation de certains lieux touristiques due aux guides ou aux réseaux sociaux provoque une surfréquentation de zones ne pouvant pas accueillir autant de monde. Le résultat ? La destruction végétale, la perturbation des espèces ou encore la fragilisation des récifs coralliens.
Les animaux sont aussi victimes du surtourisme. On remarque en 3 ans une augmentation de 292% du nombre de selfies sur Instagram en compagnie d’animaux sauvages. L’ONG World Animal Protection alerte sur ces pratiques en expliquant que 40% de ces clichés montrent un comportement irrespectueux : cruauté envers l’animal, capture, etc.
Il existe aussi ce qu’on appelle le tourisme d’extinction : le fait d’aller sur le lieu de vie de tribus autonomes ou en safari pour observer des espèces en voie de disparition. Ces espèces sont souvent la cible des braconniers afin de fabriquer des souvenirs pour les touristes.
Une prise de conscience écologique
Par essence, le voyage ne peut pas être vraiment écologique. Un hôtel consommera toujours plus qu’un foyer. La seule manière d’être totalement écolo est de ne pas du tout voyager. Pourtant, le voyage permet aussi une prise de conscience. De plus en plus de touristes se rendent compte de leur impact sur l’environnement et décident de modifier leurs comportements.
76% des voyageurs français déclarent avoir changé leurs habitudes de voyage à des fins écologiques. 88% déclarent privilégier des activités et produits locaux, 34% se disent prêts à payer plus cher pour un établissement écoresponsable et 54% préfèrent voyager plus longtemps pour limiter leurs émissions de CO2.
Au total, 61% des français pensent que le respect de l’environnement est primordial lors d’un voyage. Le slow tourisme privilégie les transports doux comme la marche ou le vélo. Il s’agit de profiter du transport comme d’un voyage en lui-même.
Le concept d’empreinte écologique, apparu dans les années 90, permet de calculer l’impact d’une activité en se basant sur les émissions de gaz à effet de serre produites. L’écocomparateur SNCF calcule la différence de prix, de durée et d’émission CO2 entre train, voiture et avion. Des sites permettent aussi de compenser son empreinte carbone avec des dons à des associations luttant pour la préservation de l’environnement.
Le tourisme durable : un voyage respectueux de l’environnement ?
L’OMT définit le tourisme durable comme tenant « compte des impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs ». Les principes du tourisme durable ont été définis dès 1995 par le Comité 21. Il y a trois dimensions : environnementale, sociale et économique.
Il s’agit d’exploiter de manière optimale les ressources avec une démarche respectueuse de l’environnement et de la biodiversité. L’objectif est aussi de préserver l’authenticité et les valeurs d’une destination et de contribuer à l’entente interculturelle entre hôtes et visiteurs. Enfin, il s’agit d’assurer des emplois stables avec la possibilité de bénéficier des revenus du tourisme pour les acteurs locaux.
Dans le concept de tourisme durable, on peut faire le focus sur l’écologie en parlant d’écotourisme. Défini dans les années 90 par la TIES, il s’agit d’une forme de voyage qui minimise les impacts sur l’environnement.
Le but est de participer à une prise de conscience collective des enjeux écologiques. Parmi les principes de base : l’encouragement d’équipement à faible impact environnemental, la sensibilisation aux questions écologiques, le financement de projets de préservation et la découverte de la nature à travers des expériences positives pour le visiteur et pour l’hôte.
Voyager écolo : des actions concrètes
Niveau voyageur, des gestes simples sont à adopter afin de limiter son impact. Partir moins loin, moins souvent, alléger ses bagages, manger local, végétarien, réduire ses déchets, sa consommation d’énergie, éviter l’avion, le plastique, ne pas encourager l’exploitation d’espèce protégées (à travers l’achat de souvenirs ou la participation à des activités avec des animaux sauvages), etc.
Mais les professionnels du tourisme ont aussi un rôle essentiel à jouer. Il existe des certifications pour les hébergements respectueux de l’environnement comme les labels « clef verte » ou « écolab ». Ces établissements proposent des services écoresponsables : chauffage au bois, produits d’hygiène naturels, limitation des voitures, toilettes sèches…
Aux Fidji, des hôtels écolos accueillent 400 visiteurs par an et recyclent les eaux usées filtrées pour arroser les jardins et approvisionner les cuisines. Au Zanzibar, un complexe hôtelier dispose de sept bungalows écoresponsables à impact nul sur l’environnement, grâce à l’énergie solaire, l’utilisation de l’eau de pluie et des WC à compost.
Certaines destinations ferment leurs portes pour préserver les espaces naturels. Ainsi, la plage de Maya Bay en Thaïlande restera fermée jusqu’en 2021 pour permettre aux récifs coralliens de se reformer. À Venise, les bateaux de croisières sont interdits dans le centre-ville car ils fragilisent les fondations. Depuis fin 2019, les touristes payent un droit d’entrée pour limiter les visites. D’autres sites, comme le Machu Picchu ou le Parc Güell, ont instauré un quota de visiteurs.
Mais la définition nouvelle et relativement souple de l’écotourisme permet de faire passer certaines activités comme écologiques alors qu’elles ne le sont pas. Exemple : les virées de plongée où les visiteurs peuvent caresser les raies et mettent en danger les cétacés (baisse de l’immunité et stress).
Il est donc plus que nécessaire de réfléchir à son propre impact environnemental lors de chaque nouveau voyage. La responsabilité individuelle n’est pas à négliger puisqu’en participant à des activités non respectueuses de l’environnement, nous encourageons des entreprises à les poursuivre.
La relation entre voyage et écologie est bien plus compliquée qu’il n’y paraît. Les concepts de tourisme durable, d’écotourisme et de slow tourisme sont tout nouveaux et gagnent autant à être découverts que remis en question.
Quoi qu’il en soit, l’industrie touristique se voit contrainte de prendre un nouveau tournant afin de poursuivre une démarche durable et de continuer à exister.
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Stéphanie BERTH-ESCRIVA
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