Pourquoi déteste-on être un touriste ?
Comme les torchons et les serviettes, on ne mélange pas le touriste et le voyageur. L’un : intrépide explorateur au sac à dos débordant d’aventure. L’autre : ignorant en sandales-chaussettes rempli de coups de soleil.
(Je te laisse deviner qui est qui.)
Un touriste, c’est quoi ?
Mais surtout : c’est quoi comme insulte ? Non, parce qu’au sens propre du terme, il s’agit d’une « personne voyageant pour le plaisir, pour se détendre, s’enrichir, se cultiver ». À moins de ne prendre l’avion que dans le cadre du travail, il t’arrive donc d’être toi aussi un touriste.
Le terme a pris un sens différent au fil des années, jusqu’à devenir péjoratif. Il est désormais synonyme d’amateur. Exemple : si tu n’as pas révisé ton contrôle de maths, tu es venu « en touriste ». Un touriste ne connaît rien, il voit ses vacances à travers l’écran de son portable et ne sait pas profiter du moment.
Tout le contraire du vrai voyageur.
Qu’est-ce qui gêne chez le touriste ?
Au-delà de son look ringard-mais-pratique qui irrite le bobo, le touriste est le symbole d’une industrie qu’on n’aime pas voir sous son vrai jour. Oui, tu sais, le TOURISME. Un secteur autrefois réservé aux privilégiés – qui allaient eux aussi se dorer la pilule à Mykonos – il est devenu plus accessible avec l’arrivée des compagnies low cost.
C’est moins agréable de partir en vacances sans être le seul à pouvoir le faire. C’est ironique de se retrouver à parler sa propre langue avec son voisin de hublot quand on est au bout du monde. Le voyageur, celui qui est mieux que les autres, ne comprend pas comment Robert et Roberta ont pu se retrouver à bord de son avion en direction du Panama. Il pensait être le seul à connaître cette destination paradisiaque.
Le touriste renvoie le voyageur – et le voyage – à son état commun. Il rappelle ce que le tourisme est vraiment : une industrie. Oui désolée, mais ton billet n’est pas gratuit. Cette industrie est accusée de tous les maux (parfois à raison) : défiguration des cultures, perte d’authenticité, catastrophe écologique… Et au milieu, un coupable : le touriste.
Mais moi, je ne suis pas un touriste, hein ?
Les seules personnes distinguant voyageur et touriste sont les touristes.
Quand on voyage, on aime à penser qu’on le fait pour les bonnes raisons et de la bonne façon. On voyage pour découvrir, rencontrer, explorer… Pas comme Robert et Roberta.
Désolée de te décevoir, mais ce semblant d’exotisme n’est souvent qu’une illusion. Tu n’es pas un local, malgré ta pratique intensive du couchsurfing. Pour l’habitant de Panama, tu n’es qu’un touriste comme les autres.
Toi aussi, tu visites un lieu qui t’est inconnu et le fait de sortir des sentiers battus ne change rien. Au mieux, tu te perdras dans une forêt absente des cartes avant de rentrer à l’hôtel avec Robert et Roberta. Au pire, tu gêneras les locaux et abimeras la flore à force de jouer les aventuriers.
Éviter les lieux touristiques, ok. Mais réfléchis : entre celui qui part en vacances dans un lieu précis pour faire comme tout le monde et celui qui l’évite juste pour être différent, qui est le plus ridicule ?
En conclusion, accepte d’être un touriste. Si ta façon de voyager est différente de celle de ton voisin, pourquoi serait-elle meilleure ? Voyageur et touriste ne sont que deux personnes en voyage – aux mêmes endroits – vivant une expérience qui leur est propre.
Et ils sont autant détestés par les locaux l’un que l’autre. Alors pourquoi les opposer ?